Extraits de :
« Les verbes prophétiques, Une introduction philosophique et mystique », Traductions, annotations, exégèses et commentaires de Riyad DOOKHY.
« Les verbes prophétiques, Une introduction philosophique et mystique », Traductions, annotations, exégèses et commentaires de Riyad DOOKHY.
©
Riyad Dookhy
ﭐتَّـقِ دَعْوَةَ
الْمَـظْلُومِ , فَإنَّـهَا لَيْسَ بَيْنَهَا وَبَيْنَ الله حِجَابٌ .
(رواه الترمذي)
« Prends garde de la prière de la
victime de l’injustice, car il n’existe pas entre elle et Dieu de voile ».
Exégèse et commentaires
L’universalité de la victime
Il est important de souligner que la parole prophétique
s’étend à l’humanité toute entière et non à une supposée victime
« musulmane ». En ce sens, la victime est « humaine ».
Celle-ci comprend l’athée, l’homologue religieux ou la catégorie historique de
« kâfir » (le "mécréant"). Le Prophète protège
ici - ce que certains dénommeront, bien entendu à tort - le « mécréant », contre toute injustice.
Rappelons que le « kufr », c’est-à-dire la « mécréance », est une catégorie de l’entendement religieux (voir notre lexique) et en tant que telle, elle n’appartient pas à la « qualité » d'une personne. La « mécréance » exprime l’état de négation radicale de toute éthique, de toute foi, de tout humanisme et de tout Amour même égoïste, tribal ou communautaire. Cette catégorie nous permet de comprendre le Bien et le Mal mais ne peut être attribuée à une personne qu’en violation de la dignité humaine fondamentale reconnue par le Prophète, ni à une communauté du passé, du présent ou du futur. Il n’existe aucun humain qui pourrait incarner le Mal radical, car cette personne ne pourra aimer elle-même, qui signifie un arrêt de vie. Cette dernière ne pourrait « survivre ». Le terme « mécréance » est un abus historique dans la pensée musulmane. Ce qui est une catégorie de la pensée a été compris comme incarnation du vivant.
[...]
Le « mazhlôm », terme employé dans le Verbe prophétique, signifie l’Injustice suprême, tout comme toute injustice qui pourrait être qualifiée « insignifiante ». Il englobe, à titre d'exemple, la terreur, la tuerie de masse ou le génocide, car s’y présente la figure de l’Innocent, même celui du fautif ou - de ce que certains nommeraient - du « mécréant ». Il regroupe également l’injustice au sens individuel et social, y compris une telle injustice qui soit inaperçue et banalisée.
Rappelons que le « kufr », c’est-à-dire la « mécréance », est une catégorie de l’entendement religieux (voir notre lexique) et en tant que telle, elle n’appartient pas à la « qualité » d'une personne. La « mécréance » exprime l’état de négation radicale de toute éthique, de toute foi, de tout humanisme et de tout Amour même égoïste, tribal ou communautaire. Cette catégorie nous permet de comprendre le Bien et le Mal mais ne peut être attribuée à une personne qu’en violation de la dignité humaine fondamentale reconnue par le Prophète, ni à une communauté du passé, du présent ou du futur. Il n’existe aucun humain qui pourrait incarner le Mal radical, car cette personne ne pourra aimer elle-même, qui signifie un arrêt de vie. Cette dernière ne pourrait « survivre ». Le terme « mécréance » est un abus historique dans la pensée musulmane. Ce qui est une catégorie de la pensée a été compris comme incarnation du vivant.
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Le « mazhlôm », terme employé dans le Verbe prophétique, signifie l’Injustice suprême, tout comme toute injustice qui pourrait être qualifiée « insignifiante ». Il englobe, à titre d'exemple, la terreur, la tuerie de masse ou le génocide, car s’y présente la figure de l’Innocent, même celui du fautif ou - de ce que certains nommeraient - du « mécréant ». Il regroupe également l’injustice au sens individuel et social, y compris une telle injustice qui soit inaperçue et banalisée.
L’intimité divine
La victime, dans le cadre de sa victimisation, est dans une entente divine. Notons la consubstantialité de la souffrance avec la nature divine. Le Soi dans la profondeur de son cri, sans malhonnêteté et sans méchanceté, comme simple témoignage de l'humain, réduit à une passivité totale, touche le fond divin. Le cri devient alors l’irréductible du divin en l'homme. Le cri est une prière de l’âme. La souffrance relève du mystère de Dieu. C'est l’absence de « voile » entre la victime et Dieu.
La parole prophétique est donc grave et tisse un lien
substantiel entre la nature divine et la souffrance de l'homme, comme une
sympathie qui déroge à tout. Nous laisserons de côté une herméneutique du
« voile », terme incontournable, et nous n’entrons pas non plus ici
dans sa riche symbolique qui a porté tant l’ « irfân » que le
« ta’wil ».
D’un point de vue rituel, on notera qu’une victime est déjà en état de prière universelle. [...]
Le point de vue rituel
D’un point de vue rituel, on notera qu’une victime est déjà en état de prière universelle. [...]
[...]
Principe de la Justice
Nous avons ici la figure d'un Dieu de justice, d'un Dieu impartial. En amont, c'est l’inscription d’une Justice éternelle, autrement dit, d'une Justice divine ou d'une Justice de la Grande Loi du cosmos (Loi karmique). Ainsi, l’épisode de Moïse qui tue un égyptien pour protéger un des siens (Coran 28 : 19) enfreint ce principe. Moïse en cherchait l’absolution.
Si le Dieu de l'Islam se range aux côtés de la victime
(fût-elle « non-musulmane » et « mécréante »), contre le
« bourreau » (fût-il « musulman »), il en découle que
l’injustice et la barbarie sont des atrocités divinement condamnées qui ne
peuvent nullement s’ajouter en descriptif du religieux, notamment ici par un
Dieu de l’ « is(sa)lam » (l’harmonie et la paix). Ce Dieu
prophétique musulman est dans le camp des persécutés et non des bourreaux,
telle la marque de Dieu dans toutes les religions. À titre d’exemple, on pourra
citer les Béatitudes annoncées sur le Mont, promesses bibliques engagées sans
coloration religieuse (Mathieu 5, 3-12).
Cette justice contient un principe éthique ferme, celui de
reconnaître l’humanité entière et celui de reconnaître le droit au-delà de la
confession et du partage du message mohammadien. Ce principe précède toute
dogmatisation religieuse et préfigure tout droit dit « religieux » ou
« droit musulman ». Ce principe est lui-même divin, d'où la locution
d'une absence « de voile » entre la victime et Dieu. Le refus de
toute injustice, d'une absence de tout mal, s’adosse même à la Nature divine. Car
c'est le reflet de cette dernière. La figure de Dieu s’élève ici en Juge
suprême qui ne peut donner comme pilier au monde qu’une Justice éternelle. La
justice est alors une représentation de la perfection divine.
Audience du Verbe
Cette parole prophétique s’adresse à celui qui aura déjà porté l’ouïe au Prophète, c'est-à-dire une mise en garde de ceux-là même qui se réclament du Prophète. Il est aujourd'hui d’actualité. Le principe éthique en « islam » a souffert d'un effacement au profit des dogmatisations puériles qui expriment l’identitaire et la terreur et non un message spirituel pour l’humanité.
« Prends garde » indique une vigilance dans l’histoire et dans le temps. C'est dans le temps génésique de la vie d’une personne qui au nom de sa religion commence à s’imposer dogmatiquement et tyranniquement, contre elle-même et contre les autres.
C'est aussi une intuition visionnaire du Prophète d’un temps
du futur qui viendra où Dieu sera du côté des non-musulmans (y compris de ce
que certains diront « mécréants ») à l’encontre du « musulman »
en raison de la tyrannie et de la terreur auxquelles participera ce dernier. Nous n’avons nulle
difficulté à comprendre cette intuition du Prophète en notre « temps »,
ce qui serait probablement incompréhensible pour un auditeur historique.
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