lundi 29 juin 2015

Job et la sauterelle



Extraits de :
« Les verbes prophétiques, Une introduction philosophique et mystique », Traductions, annotations, exégèses et commentaires de Riyad DOOKHY. (2012-2015)
© Riyad Dookhy






بَيْنَا أَيُّـوبُ يَغْتَسِلْ عُرْيَانًا فَخَرَّ عَلَيْهِ جَرَادٌ مِنْ ذَهَبٍ, فَجَعَلَ أَيُّوبُ يَحْتَثِي فِي ثَوْبِهِ, فَنَادَاهُ رَبُّهُ : "يَا أَيُّوبُ, أَلَمْ أَكُنْ أَغْنَيْتُكَ عَمَّا تَرَى ’"
قَالَ : "بَلَى وَعِزَّتِكَ, وَلَكِنْ لاَ غِنَى بِيْ عَنْ بَرَكَتِكَ".


Job, dans la nudité de son âme, se purifiant du monde, voyait une sauterelle en or s’abattant sur lui. À la vue, il s’empressa d’endosser ses vêtements du monde, tout en délaissant sa purification divine.
Dieu l’interpella : « Ô Job ! Ne connais-tu pas de meilleures richesses ?»
Il répondit : « Par ta Puissance, certes, mais il ne peut exister de richesse sans ta Bénédiction ».


[Le logos anagoqique] :

Job dans son cheminement spirituel dans la pureté nue de son âme voyait que celle-ci (au lieu d'une « âme-nafas »* réprouvée) portait des richesses propres. Il s’empressa de revenir au monde (portant ses vêtements) et de donner droit à l’âme d’exister dans ses revendications. Dieu lui insuffla : « Ne connais-tu pas mieux que l’âme qui soit une source de damnation pour toi ? ». Il répondit : « La richesse est Ta Source, mais détrompes-toi, Ô Dieu, l’âme n'est en aucun cas une richesse mais un trésor, l’âme est celle qui me guide vers ton trésor. Je ne pourrais devenir ce que je suis sans la bénédiction du don de l’âme que je suis ».


[Le logos anagoqique amplifié] :

Job en son cœur dénudé et dépouillé de tout, voyait que l’âme portait des richesses. Se délectant de cette richesse de l’âme, il couvrait la pureté de l’essence divine. Sous inspiration divine, Dieu lui insuffla que la source de la richesse est encore ailleurs et mieux et qu’il en a déjà goûté. Il répondit que certes, mais c'est que cette richesse de l'âme est le signe de cette bénédiction plus profonde.

[La lecture littérale] : 

Alors que Ayoub (Job) prenant son bain nu, une sauterelle en or s’abattait sur lui.  Ayoub s’empressa d’endosser ses vêtements. Dieu l’interpella : Ô Ayoub, ne t’avais-je pas déjà comblé de richesse (à l’encontre de ce qui tu aperçois) ?.
Il dit :  « Certainement par Ta Puissance. Mais il n'y a pas de richesse sans ta bénédiction ».


Notes et références :

«جراد», (Kazimirski 276) sauterelle.
«حَثَا», (Kazimirski 378) «1. Se jeter (soi-même avec la main … »
« خَرَّ » (Kazimirski 551) 1. Produire un bruit avec ses ailes en volant (se dit d’un aigle etc.)… 3. Tomber en bas […] (Lane Vol 2 p715f351)


Exégèse et commentaires


Le sens de l’existence


Ce logion traduit le sens de l’existence. La vie humaine est le véhicule vers la connaissance divine. C'est ainsi que Job, qui aura souffert de cette vie, s’y précipite de nouveau, car il connaît la « raison » de son existence qui est le véhicule et le bénéficiaire du don divin. Nous pouvons mettre en équation ces deux paroles d’Ali : « الغِنى غنى النفس » (le vraie richesse c'est l’âme) ; et (Najd al-balagha p. 80),  « وَبِي فَاقَةٌ إِلَيْكَ لاَ يَجْبُرُ مَسْكَنَتَهَا إِلاّ فَصْلُكَ, وَلاَ يَنْعَشُ مِن خَلَّتِهَا إِلاَّ مَنُّكَ وَجُودُكَ », « Mon désir en Toi ne peut être satisfait que par Ta grâce et ma pauvreté ne peut devenir richesse que par ta générosité et Tes largesses ».

Job est la figure de celui qui s'est dépouillé de toute richesse du monde, un aspect exprimé par sa maladie. L’oiseau est le synonyme de l’Esprit (« Esprit-rûh » - voir notre lexique). Toutefois, la symbolique de la sauterelle modifie ce sens. Ce n'est pas un insecte de bonheur. Dans le « Najd al-balagha » (p. 143), c'est une bestiole qui terrorise les cultivateurs.

Une sauterelle en or est par métonymie les malheurs traduits en bonheur parfait qui est la symbolique de Job. Toute la richesse de la culture de la terre, c'est-à-dire toute la richesse de la Loi, richesse karmique, fût-elle, se traduit comme capital éternel. Le sens de la vie devient transformation alchimique du Mal vers le Bien, découverte d’un don qui se présente comme une malédiction. Sisyphe ne parviendra à maintenir le rocher en haut de la colline qu’en vertu d'une connaissance salvifique de la figure de Job.

La rhétorique ici vise à ce que c'est l’homme qui enseigne Dieu. En retour, Dieu fait dire à l’homme ses propres paroles salvifiques. En vérité, c'est la parole divine en l’homme qui résonne dans les périples de l’existence, incarnée par ceux de Job.





Pour aller au : 
« Sommaire des Extraits des Verbes prophétiques » :



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire